Projet de loi
d'aménagement du territoire
et du cadre de vie
Edgard Pisani - Utopie Foncière - 1977
TITRE I – LA POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DU CADRE DE VIE
Article
1 –
le
territoire fonde la Nation. Chaque génération n'en est que le
dépositaire. Elle doit le gérer dans sa continuité naturelle,
culturelle et politique et dans son intégrité. Chacun en est
comptable devant les générations futures.
Le
présent texte a pour objet de définir les objectifs et les
méthodes, de créer les instruments de la politique nationale
d’aménagement du territoire et du cadre de vie.
Cet
aménagement constitue l’une des finalités essentielles de la
planification nationale et la tâche primordiale des collectivités
territoriales : région et collectivités locales.
Article
2 –
La
politique d’aménagement du territoire et du cadre de vie à pour
objectifs :
- De préserver ou de rétablir les équilibres biologiques et écologiques ;
- De recenser les ressources naturelles et d’en assurer une sage gestion ;
- De sauvegarder ou de restaurer les espaces naturels, les paysages et les sites ;
- De prévenir et de combattre les pollutions ;
- De développer ou de réaliser les établissements humains et les équipements de façon que soit assuré un équilibre entre les régions et dans chacune d’entre elles ;
- D’organiser les établissements humains, ruraux et urbains dans le souci du développement de communautés vivantes et responsables, et dans celui de l’épanouissement physiologique et psychologique des personnes qui les constituent ;
- De favoriser le développement économique ;
- De définir les règles d’affectation du sol et des richesses naturelles et d’en assurer la maitrise collective chaque fois que celle-ci doit favoriser la réalisation des objets ci-dessus définis ;
- De former les hommes et d’organiser les collectivités de façon qu’elles assument pleinement leurs responsabilités.
Article
3 -
La
politique d’aménagement du territoire et du cadre de vie passe par
la réalisation d’ouvrages et de travaux, le développement
d’actions, l’instauration de disciplines et de servitudes, par
l’acquisition de biens et la conduite d’un effort permanent de
recherche et d’information.
Article
4 –
Dans
le cadre de la Loi et du Plan, la politique d’aménagement du
territoire et du cadre de vie est arrêtée et mise en œuvre par les
collectivités territoriales avec la participation des citoyens et de
leurs associations, ainsi que des entreprises. Toutes les personnes
physiques et morales sont invités à y contribuer par ce qu’elles
font ou s’interdisent de faire.
Article
5 –
L’Assemblée
régionale, après avis du Comité économique et social et après
consultation des Conseils généraux et municipaux, ainsi que de
toutes les entités et personnalités compétentes :
- Établit une charte régionale d’aménagement du territoire et du cadre de vie. Cette charte définit la répartition des compétences entre les diverses collectivités territoriales ; elle définit, en outre, les disciplines collectives et individuelles, ainsi que les sanctions dont sont frappés les manquements en matière d’aménagement du territoire et du cadre de vie.
- Établit tous les cinq ans un plan d’aménagement du territoire et du cadre de vie.
Article
6 –
Pour
la mise en œuvre de la politique régionale d’aménagement du
territoire et du cadre de vie, il est créé un « fonds
régional d’aménagement du territoire et du cadre de vie ».
il est administré par l’Assemblée régionale sur avis du Comité
économique et social. Ses opérations sont retracées dans des
chapitres spéciaux du budget et du compte administratifs de la
région.
Article
7 –
Pour
l’élaboration et pour la conduite de la politique d’aménagement
du territoire et du cadre de vie, l’Assemblée régionale dispose
d’un atelier d’étude, de recherche et d’information faisant un
large appel à la participation des citoyens ; cet atelier
coopère avec les communes ou groupements de communes et leurs
ateliers d’agglomération ou d’aménagement rural dont les
travaux respectent les mêmes disciplines.
TITRE
II – DU LIVRE FONCIER ET IMMOBILIER GÉNÉRAL
Article
8 –
Il
est institué un livre foncier et immobilier général où sont
inscrites la localisation et la consistance de chaque parcelle du
territoire et décrits les plantations durables, ouvrages et
immeubles qu’elle porte, ainsi que l’identité du propriétaire.
Article
9 –
Le
livre foncier et immobilier est constamment tenu à jour ; toute
modification de l’un des éléments énumérés ci-dessus fait
l’objet de la part du propriétaire et sous sa responsabilité
d’une déclaration qui est immédiatement transcrite.
Article
10 –
Au
livre foncier et immobilier général, chaque parcelle fait
l’objet d’une fiche d’identification où sont reportés tous
les renseignements la concernant. Chaque propriétaire, qu’il soit
personne physique ou morale, est doté d’un livret foncier
individuel constitué de l’ensemble des fiches correspondant à ses
parcelles. La détention d’une fiche nominative entraîne
présomption de propriété. En cas de location ou de concession, une
copie de ladite fiche est remise au preneur, elle constitue l’élément
substantiel du contrat.
Article
11 –
Les
propriétaires sont tenus, lors de l’institution du livre foncier
et immobilier général et, ensuite, tous les ans, de déclarer les
valeurs auxquelles ils apprécient leurs biens. Pour aider à
l’appréciation de ces valeurs puis de leur évolution,
l’administration fiscale publie chaque année des valeurs de
référence, par secteur géographique, par qualité et par mode
d’utilisation. Lorsque l’administration juge anormale
l’estimation du propriétaire, elle engage une procédure amiable.
A défaut d’accord entre les parties, la retenue de bien est fixée
par décision juridictionnelle. Pour l’estimation de la valeur des
biens bénéficiant de plus-values d’ouvrage public, seule est
prise en considération la valeur du bien telle qu’elle a été
constatée avant l’annonce de la valeur dudit ouvrage.
Article
12 –
Qu’elle
résulte de la déclaration du propriétaire, d’un accord amiable
ou d’une décision juridictionnelle, la valeur du bien est
régulièrement portée sur le livre foncier et immobilier général
et sur chacune des fiches foncières et immobilières. Elle est
opposable à quiconque et pour quelque opération que ce soit.
Article
13 –
L’établissement
et l’entretien du livre foncier et immobilier général relève de
la compétence d’un service foncier et immobilier régionale. Ce
service regroupe toutes les administrations ayant compétence en
matière foncière ou immobilière. Il est placé sous l’autorité
et la responsabilité d’un magistrat.
Article
14 –
Des
copies certifiées, régulièrement tenues à jour, du livre foncier
et immobilier général sont mises à la disposition du public dans
les cantons et agglomérations.
TITRE
III – DE L’IMPÔT FONCIER
Article
15 –
Il
est institué au profit des communes, départements et régions, un
impôt annuel, réel et général sur tous les terrains bâtis et non
bâtis, urbains et ruraux. Calculé sur la base de la valeur réelle
inscrite au livre foncier, cet impôt est proportionnel et annuel. Il
est dû par le propriétaire.
Article
16 –
L’impôt
foncier comporte quatre tranches dont la somme est au plus
égale à 2.5% de la valeur de la parcelle :
- La première tranche, égale à 0.5% de cette valeur, est affectée dans chaque région au fonds régional d’aménagement du territoire et du cadre de vie qui est créé.
- La deuxième tranche, dont le montant se situe, par décision du Conseil municipal, entre 0.5 et 1% de la valeur de la parcelle, est versée au budget de la commune.
- La troisième tranche, dont le montant se situe, suivant décision du Conseil général, entre 0.25 et 0.50% de la valeur de la parcelle, est versée au budget du département.
- La quatrième tranche, égale à 0.5% de la valeur de la parcelle, est affectée à un fonds national de péréquation entre région, départements et communes pour la mise en œuvre du plan. La répartition de ses ressources entre les différentes régions est opérée pour cinq ans par la loi portant approbation du plan. A l’intérieur d’une même région, la répartition entre région, départements et communes est arrêtée par le Conseil régional.
Article
17 –
La
première tranche de l’impôt foncier porte sur toutes les parcelles
du territoire quels que soient leur usage et leur propriétaire.
Article
18 –
Les
trois autres tranches de l’impôt foncier s’appliquent dans les
conditions suivantes :
- En sont totalement exonérées les parcelles affectées à un service public ; en sont partiellement ou totalement exonérées les parcelles dont les propriétaires s’engagent à respecter des servitudes d’intérêt public.
- Les forêts y sont assujetties dans les conditions fixées par la loi en considération de leur nature particulière.
- Les personnes physiques à faible niveau de revenus, âgées ou handicapées y sont assujetties dans des conditions fixées par la loi en considération de leur situation particulière.
Article
19 –
Il
est institué, pour être partagée par moitié entre la commune et
le fonds régional d’aménagement du territoire et du cadre de vie,
une taxe de récupération des plus-values foncières qui frappe les
parcelles faisant l’objet d’un changement d’usage chaque fois
que ce changement a pour effet de transformer une parcelle agricole
ou forestière en terrain destiné à des usages urbains ou
touristiques, ainsi que les parcelles bénéficiant d’une
plus-value pour ouvrage public. Pour le calcul de la plus-value,
seule est prise en considération la valeur de la parcelle telle
qu’elle pouvait être constatée avant l’annonce de l’ouvrage
ou avant la publication de la nouvelle affectation du sol. La taxe
est égale au tiers de la plus-value ainsi calculée.
TITRE
IV – LES OFFICES FONCIERS ET LEURS ACQUISITIONS
Article
20 –
Il
est créé, pour couvrir l’ensemble du territoire national, des
établissements publics intercommunaux à caractère administratif,
dotés de l’autonomie financière et dénommés Offices Fonciers.
La liste des ces offices et la définition de leur circonscription de
compétence sont arrêtées par décret pris en forme de règlement
d’administration publique sur la proposition des régions, qui sont
elles-mêmes tenues de recueillir l’avis des assemblées
départementales et communales ; les communes du ressort sont
tenues d’y participer.
Article
21 –
L’Office
foncier a pour fonction l’acquisition et la gestion de tous les
sols dont l’appropriation collective commande la politique
d’aménagement du territoire et du cadre de vie :
- Il reçoit, par transfert, tous les biens fonciers appartenant aux collectivités et établissements publics quels que soient leur affectation et leur usage.
- Il est mis en possession de tous les biens déclarés vacants et sans maître.
- Il opère, pour le compte des collectivités, toutes les acquisitions foncières qu’elles ont décidé de réaliser.
- Pour la réalisation de réserves foncières, il acquiert à l’amiable (an achat ferme ou en viager) ou en exerçant son droit de préemption tous les biens fonciers qu’il peut acquérir.
Article
22 –
L’Office
foncier est administré par un Conseil composé de représentants des
communes ; ce conseil élit son président. Pour la définition
de ses orientations, de ses règles d’action et de ses programmes,
le Conseil bénéficie des avis et délibérations d’un Comité
foncier économique, social et culturel où siègent les
représentants qualifiés des différents intérêts en cause.
Lorsque l’avis du Comité est émis sous la forme d’une
délibération formelle, le Conseil ne peut s’en écarter qu’à
la majorité des 3/5 de ses membres.
L’Office
foncier publie tous les cinq ans un programme d’action ; il
publie tous les ans un budget et un compte administratifs.
Le
contrôle de la gestion de l’Office est assuré dans les conditions
même où est assuré le contrôle de la gestion communale.
Article
23 –
Tout
propriétaire qui a décidé de vendre son bien foncier en fait la
déclaration à l’Office foncier ; celui-ci doit indiquer dans
un délai d’un mois s’il se porte acquéreur, au prix figurant au
livre foncier. A défaut de décision d’achat par l’Office, le
propriétaire peut vendre son bien à l’acquéreur de son
choix ; la valeur à laquelle le bien est vendu est
immédiatement portée à la connaissance de l’Office qui peut,
dans un délai d’un mois, se porter acquéreur à ce niveau
Article
24 -
Les
opérations menées par l’Office foncier sont financées par les
collectivités et établissements pour le compte desquels elles sont
conduites. Il peut être chargé d’accomplir certains travaux
d’aménagement, comme il peut, moyennant la garantie des communes
qui le constituent, emprunter les sommes nécessaires aux
acquisitions qui entrent dans son objet.
TITRE
V – LES OFFICES ET LA GESTION DU PATRIMOINE
Article
25 –
L’Office
foncier administre les biens qu’il acquiert ou reçoit. Il ne peut
les rétrocéder. Ces biens sont, ou affectés à un service public,
ou loués, ou concédés à long terme, ou attribués sans limitation
de durée en possession familiale garantie.
Article
26 –
La
gestion par l’Office du patrimoine foncier qui est le sien a pour
objet l’exécution du service public, la conduite de la politique
d’aménagement du territoire et du cadre de vie et la maitrise du
marché foncier.
Article
27 –
Les
collectivités, administrations et établissements responsables d’un
service public, se voient affecter les parcelles nécessaires à
l’exécution de ce service, à l’exclusion de tout autre usage ;
l’acte d’affectation précise les obligations de l’office et du
service affectataire. Il est pris en exécution d’une déclaration
d’utilité publique.
Article
28 –
Pour
leur habitation principale, les ménages obtiennent l’attribution
d’une parcelle privative ou d’un droit indivis. Ces parcelles et
ces droits sont attribués sans limitation de durée dès lors qu’ils
sont transmis en ligne successorale directe.
Il
en est de même des terres agricoles qui fondent une exploitation de
type familial. Toute sous location de droit ou de fait de ces biens
est interdite. A l’extinction de la ligne directe, le bien foncier
et les immeubles qu’il porte reviennent de plein droit à l’Office.
Article
29 –
Pour
les autres usages, l’Office concède ses biens fonciers pour une
durée minimale de dix huit ans et maximale de soixante douze ans.
Article
30 –
Au
terme de cette durée, le bien foncier et les immeubles qu’il porte
reviennent à l’Office sans versement d’aucune indemnité.
Toutefois, les travaux, exécutés pendant le dernier tiers de la
concession avec l’accord de l’Office, et ayant valorisé le bien,
peuvent donner lieu à accord contraire. En cas de renouvellement de
la concession, la redevance est calculée sur la base de la
consistance du bien au moment du renouvellement.
Article
31 –
La
possession familiale garantie et la concession donnent lieu à
versement d’une redevance annuelle qui exclut toute autre charge
foncière.
Article
32 –
Le
contrat de possession familiale garantit ou de concession précise :
- La description exacte du bien au moment de la prise de possession ;
- Le mode de calcul de la redevance ;
- Les charges auxquelles consent le preneur concernant le bien objet du contrat, son entretien et son environnement ;
- Les engagements pris par l’Office ou par la collectivité dans le cadre des plans d’aménagement rural ou urbain.
Article
33 –
Toute
construction, extension, modification, reconstruction de bâtiments,
tout ouvrage, toute plantation pérenne donne lieu à demande du
concessionnaire ou du possesseur familial et à autorisation de
l’Office. En l’absence d’une réponse de celui-ci,
l’autorisation est supposée acquise un mois après le dépôt de
la demande. Les travaux peuvent donner lieu à modification du cahier
des charges ou des bases de calcul de la redevance.
Article
34 –
Les
contrats de concession et les contrats en possession familiale
peuvent servir de gage.
Article
35 –
Dans
le cas où, pour une raison d’utilité publique imprévue à la
date de la signature du contrat, l’Office serait amené à
interrompre la concession ou la possession, une pénalité pour
rupture de contrat s’ajouterait aux sommes dues en compensation des
pertes subies par le preneur.
Article
36 –
Lorsqu’un
possesseur familial ou un concessionnaire est contraint de rompre son
contrat, l’Office est tenu de le désintéresser de la part non
amortie des travaux qu’il a accomplis avec son accord et qui
valorisent le bien.
Article
37 –
Lorsque
le développement d’une politique d’acquisition foncière ou la
nécessité d’accomplir des travaux interdisent dans l’immédiat
la concession ou la possession familiale garantie, l’Office peut
louer ses biens pour des durées n’excédant pas trois ans,
renouvelables une fois. Un mandat exprès du Conseil municipal peut
permettre à l’Office d’excéder ces durées. Le locataire ne
peut se prévaloir d’aucun droit au terme de la location.
Article
38 –
Les
litiges relatifs aux contrats passés par les Offices sur les biens
qu’ils possèdent sont de la compétence des juridictions civiles.
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